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RESERVES SUR LE PROJET DE CONSTRUCTION DU BARRAGE « GRAND EWENG » : L’HONORABLE FRANÇOIS BIBA ECRIT AU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

barrageDans cette missive, le député de la Nation bien que reconnaissant à la suite du décret signé il y’a quelques semaines,  attire toutefois l’attention du Chef de l‘Etat sur les conséquences que la mise en œuvre de ce projet va drainer au sein de la population, notamment  une hécatombe pour les espèces sauvages.

« Excellence Monsieur le Président de la République,

En date du 06 août 2020, sous votre très haute instruction, monsieur le Premier ministre chef du gouvernement, a signé le décret N°2020/3200/PM en annulation  du décret N° 2020/3262/PM du 14 juillet 2020 portant classement au domaine privé de l’Etat d’une portion de forêt de 68 385 hectares constituée en UFA (Unité forestière d’aménagement) 07 006 dans les Départements du Nkam et de la Sanaga Maritime.

Excellence monsieur le Président de la République, les populations vous sont grandement reconnaissantes.

Toutefois, nos préoccupations ne s’arrêtent pas avec ce décret. Aujourd’hui,  nous nous retournons vers vous afin de vous exposer les interrogations des populations quant au projet “Grand Eweng« .

En effet, la construction de ce barrage à cheval entre deux régions (Littoral et centre) et deux départements (Sanaga Maritime et Nyong et kéllé) suscite des inquiétudes et des interrogations.

Par cette lettre, nous voulons qu’une attention particulière soit apportée à la réalisation de ce projet car il traîne avec lui d’énormes conséquences:

  • Destruction des forêts qui étaient une solution au problème crucial de dérèglement climatique,
  • Une hécatombe pour les espèces sauvages. Le site abritant des milliers d’espèces aurait pu être classé en “zone naturelle à préserver”. Ce qui viole d’ailleurs l’accord du 26 octobre 2007 portant sur la conservation des gorilles et de leurs habitats.
  • L’expulsion des agriculteurs par la destruction de plusieurs hectares de plantations.  L’agriculture représente près de 30 % du PIB.  Elle nourrit des familles qui en dépendent entièrement. Le barrage mettra ainsi à mal le principe de l’auto suffisance alimentaire qui vous est si chère.
  • La violation des dispositions légales à savoir, la constitution camerounaise en son préambule “(…) l’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi …

En son titre premier, article premier : (…) Elle reconnaît et protège les valeurs traditionnelles conformes aux principes démocratiques, aux droits de l’homme et à la loi. (…).

Excellence Monsieur le Président de la République, ce barrage tel qu’il est vendu à ce jour apportera  probablement des améliorations quant aux conditions de vie des populations.

Encore faudrait-il qu’il respecte les règles juridiques, techniques et sociales qui encadrent généralement les chantiers de cette envergure. Notamment quant à sa faisabilité, le processus d’implantation et le process mis en place.

1) L’effectivité des études préalables.

En effet, une étude devrait être faite en amont du projet afin d’évaluer et d’identifier l’impact environnemental aussi bien sur la faune que sur la flore.

Excellence Monsieur le Président de la République, nos forêts abritent une riche biodiversité permettant d’atténuer les effets du dérèglement climatique. De ce fait, une étude portant sur une possibilité d’éviter la destruction de cette nature est indispensable.

Au cas où la destruction serait indéniable, des mesures devraient être prises afin de réduire les destructions puis de les compenser en créant sur un autre terrain l’écosystème qui a été détruit.

2) L’évaluation minutieuse du patrimoine qui sera perdu.

Excellence monsieur le Président de la République, près de 127 villages Bassa seront rasés et disparaîtront au profit de la mastodonte “Grand Eweng “ et donc des centaines de milliers de personnes devront quitter leur terre.

Le peuple Bassa s’est toujours établi près des cours d’eau. Ce projet tuera la tradition du Mbog si chère au peuple Bassa et qui ne peut s’exercer qu’au travers des plantes et des arbres issus des forêts.

Le patrimoine culturel et économique constitué des sites historiques et anthropologiques de la traversée de la Sanaga, les lieux culturels sur le Mont Ngodi, les ressources naturelles, base de la pharmacopée traditionnelle seront détruits.

Le 09 mai 2018, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, avait pris le Décret N° 2018/4175/PM portant incorporation aux domaines privés des Communes de Ngog-Mapubi et de Dibang, d’une portion de forêt de 14 107 hectares dénommée « Forêt Communale de Ngog-Mapubi et Dibang ». Il est clair que si ce le Projet “Grand EWENG” est exécuté en l’état actuel, cette forêt Communale chargée des lieux historiques, sacrés et cultuels sera largement inondée ou mieux deviendra une île inaccessible.

3) Les modalités d’indemnisation des populations que le promoteur se projette de déplacer dans les meilleures conditions « possibles », sans expliquer ce qui relèvera éventuellement de « l’impossible »

Excellence Monsieur le Président de la République, le peuple Bassa n’a jamais hésité à payer y compris de son sang pour l’indépendance et la construction du Cameroun. Il serait temps que cela soit reconnu et que cet énième sacrifice soit évalué et indemnisé à sa juste valeur.

Un suivi particulier devrait y être apporté afin que les populations ne soient pas laissées à la merci d’un entrepreneur véreux à  la recherche du profit à tout prix et à tous les prix.

4) La régularité des consultations publiques (menées aux mois de juillet et d’août 2020)

Excellence monsieur le Président de la République,  nous demandons à ce que les consultations soient faites de manière régulière, en présence non seulement des élus locaux, des représentants de l’Etat, des élites locales, mais également des populations elles mêmes.

Principales victimes de ce projet, elles ont leur mot à dire et leurs exigences à faire entendre. Un échantillonnage de 100 personnes ne saurait être représentatif pour porter un choix aussi lourd de conséquences.

Excellence monsieur le Président de la République, nous voulons éviter que se reproduise le triste scénario de Massok Song – Loulou.

En effet, malgré le barrage hydroélectrique qui y est situé, cette contrée réussit l’exploit de passer des mois sans électricité, l’état des routes est déplorable, aucune infrastructure pour améliorer les conditions de vie (écoles, hôpitaux,…), le chômage et l’inactivité des jeunes y sont criards alors qu’ils ont pendant longtemps demandé qu’à compétences égales leurs candidatures soient prioritaires. Nos parents y ont perdu la vue à cause de la cécité des rivières due à la présence des nappes d’eau.

Excellence monsieur le Président de la République, le peuple Bassa aujourd’hui voudrait être certain qu’il ne fait pas une fois de plus un sacrifice pour lequel il sera l’unique perdant.

Nous voulons attirer votre attention sur tous ces faits car il est clair que la multiplication des barrages n’a amélioré ni le coût, ni l’accès à l’énergie électrique pour ces populations, ni les conditions de vie.

Nous pensons donc qu’il est urgent de prendre ce projet en main et de veiller de plus près à sa mise en œuvre. Il suffira de juxtaposer les promesses de 1800 MW à l’horizon 2025, de 300 emplois directs et 3000 emplois indirects aux coûts humain, culturel, écologique et patrimonial de ce projet. La crédibilité et l’étoffe du Maître d’Ouvrage j’ai nommé la société Américaine Hydromine qui n’arrive pas à respecter le chronogramme initial est également à scruter.

Excellence, Monsieur le Président de la République, le peuple camerounais dans son ensemble, le peuple Bassa en particulier sait pouvoir compter sur vous… ».

 Agence Cameroun Presse, Nicole Ricci Minyem

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