Le 6 janvier 2025, la route nationale n°12 a été bloquée par les populations venues de tous les villages de l’arrondissement de Kalfou pour manifester leur profonde indignation face à la présence persistante des éléphants en divagation. Ces pachydermes ont causé la mort de plusieurs habitants, détruit des champs et des plantations, saccagé des maisons et éventré des greniers contenant des récoltes stockées, instaurant ainsi un climat de terreur dans tous les villages de l’arrondissement.
Ce mouvement de contestation est né du mutisme des pouvoirs publics, longtemps restés insensibles aux alertes répétées des populations de Kalfou, lesquelles subissent depuis plusieurs décennies une menace croissante des éléphants. Devant l’aggravation des dommages causés par ces pachydermes, les populations se sont levées pour dire stop à ce qu’elles considèrent comme un terrorisme animal, et réclament des mesures immédiates et efficaces de la part des autorités pour mettre fin à ces destructions et restaurer la sécurité dans leurs villages.
Suite à cette manifestation d’humeur d’une journée entière, qui a mobilisé plus d’un millier de personnes venant de toutes les localités impactées par les mouvements des éléphants, le préfet du Mayo Danay est intervenu pour apaiser la tension. Face à la colère de la population exigeant des mesures immédiates, le préfet s’est vu contraint de recourir à la répression par des jets de gaz lacrymogène sur les manifestants, blessant au passage huit personnes, mais en vain. À 21 heures, les leaders de la population ont ordonné la suspension temporaire de la grève en attendant la réaction du gouvernement.
Le 7 janvier 2025, une série de mesures ont été prises par le ministère compétent, les plus importantes étant contenues dans le Communiqué Radio-Presse N° 0003/CRP/MINFOF/CAB du 7 janvier 2025, qui prescrit :
- Le refoulement des pachydermes de l’Arrondissement de Kalfou ;
- La mobilisation immédiate de 30 écogardes à Kalfou pour l’exécution de cette mesure ;
- La saisine des autorités compétentes des Forces de Défense et de Sécurité pour appuyer cette opération afin d’en assurer le bon déroulement ;
- La création du Parc National Ma Mbed Mbed dans le département voisin du Mayo Kani pour accueillir une partie de la population croissante d’éléphants.
L’annonce de la création du Parc National de Ma Mbed Mbed, qui en réalité est un vieux dossier querellé datant de 2004, a suscité une vive opposition de part de la communauté Tupuri de la zone. Ils considèrent que la dénomination de ce parc est une insulte à leur culture et que son établissement menace l’annexion territoriale de plusieurs dizaines de villages densément peuplés par leur communauté.
Cette opposition ferme des Tupuri a conduit à la grève du 7 février 2025, visant à obtenir l’annulation du décret n°2020/0003 du 7 janvier 2020 portant création du Parc National de Ma Mbed Mbed. Cette grève a mobilisé à Kourbi, dans la commune de Guidiguis, département du Mayo Kani, plusieurs milliers de personnes provenant de toutes les localités impactées.
Durant cette manifestation qui a duré toute une journée, le gouverneur de la région de l’Extrême-Nord s’est rendu sur place avec son état-major. Cependant, sa présence n’a pas suffi à calmer les populations. Les tentatives de répression par les forces de l’ordre ont entraîné des blessures chez deux éléments de son état-major et son encerclement par une barrière de haies piquantes. Il a été libéré suite à l’intervention des leaders des manifestants et a été immédiatement escorté vers Kaélé.
À la suite de cette manifestation, le Premier ministre a convoqué une réunion interministérielle de crise le 12 février 2025 dans la salle de conférence de son ministère. Pendant ce temps, une délégation conduite par le Ministre de l’Administration Territoriale s’est rendue sur le terrain à Kaélé pour des réunions de concertation avec les acteurs locaux afin de trouver une issue à la crise. Les conclusions de ces réunions sont attendues.
Alain DJAWA WALDJO/.