Le repère, 06 Aout
Les raisons évoquées pour la plupart, une gestion calamiteuse.
Les faillites des établissements bancaires ou financiers spécialisés dans le financement de la PME au Cameroun se sont multipliées ces dernières années. Parmi les causes de ces banqueroutes figurent le non-remboursement des crédits par des personnes physiques ou morales. Ce non-remboursement a été expliqué par diverses raisons, notamment : la mauvaise foi de nombreux clients dont certains étaient déclarés morts ; l’octroi de crédits hors des critères requis à travers des parrainages politiques ou autres ; les fausses garanties ; les détournements de fonds ; la complaisance, l’incompétence ou la complicité de certains responsables d’institutions financières publiques ou privées. A la manœuvre de cette gabegie financière, certains barons du régime.
De la BCD au Fonader
Le Cameroun n`est pas à sa première expérience dans le financement du secteur de la petite et moyenne entreprise (PME). Dès l`indépendance, l`une des premières actions du nouveau gouvernement camerounais fut la création de la banque camerounaise de développement (BCD) dont laprincipale mission était d`assurer la distribution du crédit en milieu rural pour en stimuler le développement. Plus tard, la BCD est remplacée par les sociétés mutuelles de développement rural (Somuder) qui étaient des structures beaucoup plus rapprochées des populations rurales et dont les actions devaient mieux satisfaire leurs besoins. Malheureusement, malgré tous les efforts déployés par le gouvernement de l’époque, les résultats à l`instar de ceux de la BCD, sont restés très en dessous des prévisions. Le développement rural attendu n`a pas été obtenu. Ce second échec a poussé le gouvernement à créer le Fond national de développement rural (Fonader).
Le Fonader avait pour missions : le stockage et la distribution des intrants agricoles subventionnés ; la promotion et la distribution du crédit agricole ; le financement et le suivi de certains projets de développement.Son activité de crédit s`effectuait soit de façon directe aux individus, aux groupes d`agriculteurs (crédit GAM) afin de réduire les coûts de transaction et faciliter le recouvrement ;soit sous forme de crédits d`investissements aux coopératives et aux adhérents des coopératives(crédit adhérents) qui permettaient de refinancer les crédits mis à la disposition des coopératives afin de leur permettre d`atteindre les petits agriculteurs ;soit encore aux sociétés de développement avec ou sans activité de commercialisation. Son directeur général, M. Issa Adoum sera l’un des acteurs majeurs du putsch de 1984. La banque sera donc vouée à l’échec comme celui que connaîtra son DG en voulant prendre le pouvoir par les armes. Les fonds mis à la disposition des prétendus agriculteurs n’a pas été remboursé (voir fig1). Situation qui a paralysé l’institution entraînant ainsi sa mort en 1987.
FOGAPE
Pendant que le Fonader est en pleine agonie, la transition politique survient au sommet de l’Etat. M. Paul Biya hérite du pouvoir. Nous sommes en 1982. Deux ans plus tard, le président Biya met sur pied par décret n° 84/510 du 13 juin 1984 le Fonds d’aide et de garantie aux petites et moyennes entreprises (Fogape) dont la mission consistait à apporter un concours financier et technique aux petites et moyennes entreprises nationales. Il pouvait répondre à toutes les demandes de crédits à court, moyen et long terme nécessaires à
la création et au développement des Pme. Le promoteur devait apporter au minimum 20% des besoins. La garantie du Fogape ne pouvait excéder 80% de la valeur du prêt consenti par la banque ou l’établissement financier. L’administrateur provisoire du Fogape, M. Ndjiki Epara ne fera pas montre d’autorité et de rigueur dans la gestion. L’institution tombera en faillite pour les mêmes causes que les précédentes. Une cinquantaine de promoteurs de projets (voir liste ci-dessous) ayant bénéficié des concours financiers du Fonds d’aide et de garantie aux Petites et moyennes entreprises (Fogape) n’ont toujours pas remboursé leur dette. Situation qui entraînera finalement la chute du Fogape en 1988.
Arriva le CAC…
Le Fonds d’aide et de garantie aux Petites et moyennes entreprises (Fogape)faisant face à un taux important d`impayés va être confronté au processus de restructuration des années 1989/1992 qui entrainera donc sa liquidation et son remplacement par le crédit agricole du Cameroun(CAC). Le CAC est annoncé comme étant une «copie corrigée du Fonader ». Les camerounais fondent donc tous les espoirs sur la «banque du paysan ». Le pays est cependant touché par une grave crise économique. Comme la quasi-totalité des entreprises, le CAC sera privatisé et placé sous l’administration de la DEG, une société Allemande d’investissement pour la coopération. L’entreprise sera donc dirigée tour à tour par les Allemands. C’est sous l’administration du nommé Hubert Rauch que le bateau va s’écrouler.
Ce dernier sera coupable d’incompétence et de mauvaise gestion. Il sera notamment influencé par certains «fils » du régime qui vont lui faire des promesses pour le maintenir de son poste de DG et en contrepartie leur octroyé des crédits au détriment des agriculteurs. Pendant que l’enveloppe des crédits connaît une courbe haussière d’année en année, aucun recouvrement n’est enregistré. Le pactole est entre les mains de quelques «fils du régime » et de leurs proches. Véritable gabegie. Les actionnaires (entreprises publiques et parapubliques) du CAC ne peuvent plus entré en possession de leur dû à défaut de le voir gonflé. Situation qui va contribuer à la paralysie de l’administration. Du côté des agriculteurs ou porteurs de projets, l’on ne sait à quel saint se vouer. Le pronostic vital du CAC est engagé. Finalement, le Crédit agricole va disparaître en 1996.
Benjamin Ombé