Le reportage de la Cameroon Radio Television (Crtv) il y a quelques jours suscite toutes sortes de commentaires. « Une entreprise chinoise a pratiquement semé la terreur dans l’Adamaoua dans un village de l’arrondissement de Maîganga. L’homme qui dirige cette structure a rasé la nature sur plusieurs hectares, avec des engins normalement utilisés dans le cadre de l’extraction minière industrielle », peut-on entendre çà et là dans l’opinion. Mais un cadre du ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt) recadre : « Les titres utilisés non aucun problème encore moins le matériel dont se sert la structure pour extraire l’or. Il s’agit d’une exploitation artisanale peu mécanisée. L’entreprise paie toutes ses quotes-parts à l’administration fiscale conformément à la loi des finances de 2015». Mais où se situe donc la polémique ? Un cadre du Minmidt apporte quelques éclaircissements à ce sujet : « C’est au niveau du respect des normes environnementales et c’est le délégué régional de l’Environnement pour l’Adamaoua qui a tiré la sonnette d’alarme. Ce qui a imposé une descente sur le terrain avec la hiérarchie administrative de la région (les autorités de la région) pour arrêter ce qu’il y a lieu de faire ».
Ceci est-il un cas isolé au Cameroun? Non ! Réplique Samuel Nguiffo, spécialiste en questions environnementales. Ce n’est d’ailleurs pas le document d’orientation économique du Cameroun qui le contredira. Le sol et le sous-sol camerounais ont été définis comme des leviers de l’économie nationale. C’est d’ailleurs ce qui a guidé l’établissement des différents textes de l’époque (1974-1981). Notamment la loi forestière (1974), la loi foncière (1974) et le Code minier (1976).
Mais le contexte a changé. Le monde est régi par les principes du développement durable auxquels le Cameroun a adhérés librement. Seulement, les protecteurs de l’environnement n’ont de cesse de s’inquiéter de certains comportements tant des nationaux que des étrangers dans la pratique de certaines activités sensées booster l’économie du pays. Des centaines de permis d’exploration ont été délivrés. Ce sont des documents permettant à des tiers de jauger la présence des gisements miniers dans un sous-sol donné.
A quel prix donc ? Surtout quand on sait que le sous-sol camerounais a été qualifié de scandale minier par certains experts. « Il faut souligner que beaucoup de risques sont à signaler. Au niveau du Lac Tchad, la partie située sur le territoire camerounais fait l’objet d’un permis d’exploration. Si l’entreprise chinoise qui le détient trouve le pétrole comme elle espère, il faudra l’exploiter. Ce qui va provoquer des restrictions pour les populations qui y sont installées depuis des années. Ensuite, il faut s’attendre un jour à des accidents pétroliers comme on voit ailleurs, avec risques de pollution des eaux, du sol et du sous-sol », s’inquiète Samuel Nguiffo. Une inquiétude devenue pratiquement le crédo de cet expert, coordinateur du Centre pour l’environnement et le développement (Ced).
Collaboration
La faune et la flore protégées n’ont aucune chance dans ces conditions. « Le parc de Waza est dans la même situation. Ici, l’activité touristique va baisser parce que les animaux, pas habitués à la présence humaine et au bruit, vont chercher refuge ailleurs », poursuit M. Nguiffo. Y a-t-il une région épargnée ? Selon lui, pas vraiment. « A l’Ouest, plusieurs permis d’exploration ont été délivrés et les exploitations vont affecter les villes de Bafoussam, Banganté, Bafang et Bangou. Ces localités sont très peuplées, il va se poser le problème de recasement de ces habitants », ajoute l’expert.
Il trouve que l’extraction minière est plus ravageuse comparée à l’exploitation forestière. Les raisons : « Elle exige le rasage total des terres. N’oublions pas la pression sur les ressources de la forêt par les ouvriers qui vont travailler dans la mine et les déchets générés par ceux-ci », dégage l’expert.
Pour lui, « il faut une collaboration étroite entre les services compétents. Le Cameroun doit savoir sur quoi va reposer sa vision du développement d’ici 2035. Est-ce la forêt, l’agriculture, les mines ou alors la combinaison de tous ces éléments. » Le cas de Maïganga démontre à suffisance ce manque de collaboration entre les différentes administrations. « Le responsable de l’environnement a fait son travail qui est de s’assurer du respect des normes. Le Code minier est d’ailleurs régi par la loi-cadre du Cameroun sur l’environnement. Il est prévu qu’après l’exploitation minière, l’entreprise s’occupe de la réhabilitation du site », souffle un cadre au Minmidt.
Adrienne Engono Moussang