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LES ELEPHANTS : ENTRE CONSERVATION ECOLOGIQUE ET PRESSION SOCIALE.

WhatsApp Image 2025-10-15 at 09.57.33La création du parc national de Ma Mbed Mbed dans l’Extrême-Nord du Cameroun, destinée à protéger les éléphants et leurs couloirs migratoires, a engendré une vive contestation des communautés locales. Parallèlement, les attaques de pachydermes dans les villages voisins soulèvent des questions sur la viabilité d’un modèle de conservation excluant les populations riveraines. Cet article analyse les tensions entre protection de la biodiversité et droits humains, à partir de témoignages et données issues de sources secondaires. En effet, la conservation des éléphants en Afrique centrale repose sur la création d’aires protégées et de corridors migratoires. Toutefois, cette approche entre en conflit avec les réalités sociales et économiques des communautés locales. Le cas du parc national de Ma Mbed Mbed (MMM), créé en 2020 dans l’Extrême-Nord du Cameroun, illustre les tensions croissantes entre écologie et justice sociale.

  1. Le Parc Ma Mbed Mbed : une aire protégée contestée

Le parc MMM, d’une superficie de 12 000 hectares, a été établi pour faciliter les migrations des éléphants entre la réserve de Binder Léré (Tchad) et celle de Kalfou (Cameroun). Cependant, les communautés Toupouri, installées dans cette zone depuis plus d’un demi-siècle, dénoncent une expropriation déguisée. Le coordonnateur de l’Association nationale culturelle Toupouri affirme à ce sujet : « Sur le site, il y a des villages qui existent depuis 1955. Les gens sont nés là-bas, ils ont enterré leurs parents et leurs grands-parents sur le site »[1]. Les populations locales ont manifesté à plusieurs reprises depuis 2025 pour exiger l’annulation du décret de création du parc, signé par le premier ministre Joseph Dion Ngute. Plusieurs OSCs, à l’instar de Green-peace, ont pris position en faveur de ces populations. Selon Fabrice Lamfu, chargé de campagne forêt chez Greenpeace, il est important de mettre sur pied un modèle de conservation axé sur les droits humain. C’est ce qui justifie le fait qu’il affirme que « Greenpeace Afrique reste une organisation centrée sur l’être humain, qui donne la priorité à l’implication totale des communautés »[2]. Il apparait de ce propos que la participation communautaire dans les projet de conservation est une nécessité. Elle pourait contribuer à faciliter la gestion de tels projets et à limiter les conflits récurrents entre populations locales et faune sauvage.

  1. Les éléphants : entre espèce protégée et menace directe

Les éléphants, censés être protégés par le parc, sont à l’origine de nombreux incidents dans les villages environnants. Ils mettent les populations locales dans une quasi impossibilité d’exercer leurs activités de subsistance ou d’en jouir, mais aussi, ils les laissent dans une psychose qui rend leur vécu difficile lorsqu’ils ne leur ôtent tout simplement pas la vie. Le Rural-info.net écrit à ce sujet : « Au Cameroun, la dignité humaine est de plus en plus sacrifiée sur l’autel de la protection de la faune sauvage. Les fauves prennent de plus en plus de vies humaines, même dans les espaces réservés aux activités de subsistance durable des populations locales »[3]. À Kalfou, des pachydermes ont détruit des habitations, ravagé des cultures et tué plusieurs personnes. Les témoignages suivants, émanant des communautés victimes illustrent bien cette situation :

« Un éléphant est passé dans la maison d’une veuve, il a arraché la toiture, est entré dans sa cuisine, a bouffé plus de 10 sacs de mil et a écrasé la maison. »[4] « Tout le temps, les éléphants mangent toutes nos cultures et détruisent nos maisons. Ils blessent et tuent les gens et nous ne pouvons pas nous défendre », déplore Djafsia, agriculteur à Kalfou[5].

Face à la colère des populations, le gouverneur de la region de l’Etrême-Nord, Midjiyawa Bakary, a autorisé en janvier 2025 une battue administrative contre un éléphant solitaire[6]. Cette note administrative peut laisser penser qu’il s’agit d’un éléphant isolé en divagation, pourtant, on a bel et bien à faire à des troupes nombreuses qui sèment la terreur partout ou ells passent. En dehors de la note du gouverneur, plusieurs autorités des adaministrations centrales ont fait des visites dans les arrondissements affectées, laissant des promesses qui sont jusqu’alors restées lettres mortes.

  1. Causes du conflit
  2. Vers une conservation inclusive

La conservation inclusive est une approche de la protection de la biodiversité qui reconnaît que les communautés locales et autochtones ne sont pas seulement les bénéficiaires de la biodiversité, mais aussi des acteurs clés dans sa préservation. Contrairement aux modèles traditionnels de conservation qui reposent sur des aires protégées strictes souvent imposées « d’en haut », la conservation inclusive favorise le dialogue, la participation active et la co-gestion des ressources naturelles. Dans le cas du Parc national de Ma Mbed Mbed, les revendications des communautés Toupouri illustrent l’absence de conservation inclusive : le parc a été créé sans consultation, menaçant des villages existants depuis des générations.

L’approche de conservation inclusive est encouragée par nombre d’acteurs qui explorent le domaine de la conservation de la biodiversité. C’est ainsi que Greenpeace Afrique appellent à revoir ce modèle jusque-là appliqué. Elle affirme par la voix de son chargé de campagne forêt : «  lorsqu’une décision est prise sans le consentement libre, informé et préalable des communautés, cela peut conduire à des situations aussi délicates que celle-là. »[9] Il faut donc quitter ce modèle de conservation qui exclut automatiquement les populations riveraines des projets de conservation et prioriser une conservation inclusive, qui intègre l’ensemble des parties prenantes, et prioritairement les populations riveraines, dans le processus de decision en ce qui concerne la création et la gestion des aires protégées.

Toutefois, la conservation inclusive n’est pas un idéal utopique, mais une réponse pragmatique aux conflits environnementaux contemporains. Elle remet l’humain au centre de la nature, et transforme les populations de « victimes » en partenaires de solutions. Dans le cas du Cameroun, elle représente une voie crédible pour protéger les éléphants tout en garantissant la dignité, la sécurité et les droits des communautés locales.

En fin de compte, le conflit homme-faune dans l’Extrême-Nord du Cameroun met en exergue la complexité d’une coexistence entre conservation écologique et pression sociale. Ainsi cet article démontre que la préservation des éléphants et la sécurité des communautés ne sont pas antagonists, mais interdépendantes. Seule une gestion concertée, équitable et fondée sur le dialogue pourra garantir une paix durable entre l’homme et la faune.

Références

[1] Propos recueilli par Mongaboy et cite dans l’article intitulé Les communautés exigent le déclassement d’un parc transfrontalier »

[2] Idem.

[3] Alain Djawa Walidjo, 2025, “Conflit homme-faune au cameroun : un appel au respect de la dignité humaine”, in Le rural-info.net

[4] Témoignage de Oumarou Tamboutou, adjoint au maire de Kalfou, Recueilli par Mongaboy

[5] Cité par Stupnik news dans son article intitule “Cameroun : les éléphants tueurs d’hommes

[6] Autorisation de battue administrative N°000004/ABA/K/SG/DAAJ

[7] Cf. Stupnik news-cameroun : “les éléphants tueurs d’hommes. »

[8] Idem.

[9] Fabrice Lamfu, Greenpeace Afrique.

Par Anaëlle DASSI

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