Le nord-est du Nigeria est confronté à une grave crise humanitaire, conséquence directe de l’insurrection de la secte Boko Haram. Reportage à Maiduguri, la capitale de l’État de Borno, qui accueille de nombreux réfugiés.
Du haut de ses deux ans, Yakubu a déjà vécu un enfer : le village de ses parents a été attaqué par Boko Haram.
Sa mère a réussi à fuir avec lui, mais depuis qu’elle est arrivée à Maïduguri, elle n’a pas d’argent pour nourrir son fils. Yakubu pèse à peine six kilos et demi, c’est bien trop peu pour un garçon de son âge. Sa mère, Baby Usman, est désespérée.
« Il y a un mois j’ai remarqué qu’il n’allait pas bien. Je lui ai donné de la médecine traditionnelle mais ça ne l’a pas aidé. Il est devenu de plus en plus faible. Au début il mangeait une pate d’arachide que je lui préparais, mais au bout d’un moment, même cela ne passait plus. »
MSF dispense des soins gratuits
Il était presque trop tard lorsque Baby Usman a entendu parler de la clinique de Médecins sans Frontières. Elle qui ne pouvait pas se permettre d’aller dans un hôpital normal y a bénéficié de soins gratuits.
« C’est de la folie, témoigne le docteur Melusi Mabhena. Entre 100 et 150 femmes enceintes viennent ici chaque jour. C’est un défi immense, mais nous essayons de motiver notre équipe. Mais quand on voit les centaines d’enfants mal nourris, cela touche forcément. »
Médecins sans Frontières soigne quotidiennement plus de 1500 patients dans ses trois cliniques de Maiduguri. Le nombre de patients ne cesse d’augmenter, des enfants mais aussi des adultes souffrant principalement de malnutrition.
Depuis que Boko Haram a été chassé de la ville par l’armée nigériane, un million et demi de réfugiés sont venus s’ajouter au million d’habitants. L’approvisionnement est difficile, les autorités locales sont complètement dépassées.
Des réserves de nourritures épuisées
Selon l’Onu, la famine touche jusqu’à quatre millions de personnes, et en particulier 15 camps satellites qui accueillent environ 275.000 réfugiés. Jeudi à Bruxelles, Toby Lanzer, le coordonnateur humanitaire de l’Onu pour le Sahel, a de nouveau attiré l’attention sur leur sort.
« Pourquoi les niveaux de malnutrition sont-ils si élevés, pourquoi 244.000 enfants recensés cette année souffrent-ils de malnutrition aiguë dans le nord-est du Nigeria ?
Simplement parce que le commerce est au point mort, que l’insécurité est monnaie courante et que les habitants sont dans l’incapacité d’accéder à leurs champs, ou aux lacs pour pêcher des poissons.
Les réserves de nourriture sont épuisées, les denrées encore disponibles sur certains marchés sont trois fois plus chères qu’il y a quelques mois, ce qui les rend inaccessibles pour la plupart des gens. Tout cela contribue à une famine sévère. »
Toby Lanzer se rend à partir de la semaine prochaine dans le sud du Niger, à Diffa et Bosso. Les deux villes situées à la frontière du Nigeria sont directement touchées par les violences de Boko Haram
Environ 240.000 Nigérians y sont refugiés, mais le groupe djihadiste mène régulièrement des attaques. Selon l’Onu, la famine menace également 400.000 personnes dans cette région.
All Africa, Par A. Kriesch / A. Le Touzé