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PLAIDOYER POUR LE RIZ LOCAL

rizCameroun tribune, 19 Août 2015

Le diagnostic du Coordonateur national du Programme Agropoles ne peut laisser personne indifférent. Sans ambages, Adrian Ngo’o Bitomo vient de déclarer à CT, s’agissant notamment de l’agropole de production de riz de Galim, dans la région de l’Ouest-Cameroun, que c’est un « semi-échec ».  Il pointe un doigt accusateur sur les problèmes agronomiques, ceux liés aux voies d’accès, les difficultés concernant le magasin de stockage et celles relatives à l’alimentation de l’unité de décorticage de riz en énergie électrique, parce que Galim n’a que le monophasé. Résultat des courses : le riz  récolté à Galim pourrit sur place.

A tous les égards, la situation du riz de Galim est intolérable, quand on sait que pour nourrir ses plus de 22 millions d’habitants,  le Cameroun est obligé d’importer chaque année une quantité de plus en plus importante de denrées alimentaires, dont le riz, une céréale qui occupe une place de choix dans l’alimentation de la population aussi bien en zone urbaine qu’en zone rurale. Les statistiques disponibles donnent  une idée des pertes financières occasionnées par l’importation massive du riz. A l’ouverture du Comice agropastoral d’Ebolowa, en janvier 2011, le président de la République, Paul Biya avait révélé que « nous avons consacré en 2009, 500 milliards de F CFA pour l’importation de la farine, du riz et du poisson, soit sept fois plus qu’en 1994 ». Par la suite, lors de sa descente au Village consacré à la recherche,  les responsables du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation ont confié en ce qui concerne le riz en particulier, que les importations coûtent au pays environ 200 milliards de F CFA par an, la demande nationale annuelle étant de 600 000 tonnes à l’époque. On comprend dès lors pourquoi le chef de l’Etat avait appelé les Camerounais à se libérer de la dépendance des produits alimentaires importés. Rappelant au passage que les participants à la Conférence internationale-Africa 21, avaient inscrit dans la Déclaration de Yaoundé que « L’Afrique ne doit plus importer pour manger ».  C’est dans cette logique  qu’une coalition des organisations de la société civile avait animé à l’occasion du Comice agropastoral d’Ebolowa , une campagne pour bannir sur le site l’exposition et la vente des produits importés. Quelques années plus tard, l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs, l’une des ONG à la manœuvre, fait savoir qu’en 2013, le Cameroun a importé du riz pour plus de 211 milliards de nos francs, en provenance principalement de l’Inde, de la Thaïlande, du Viêtnam, du Pakistan et de Myanmar. A l’analyse, cette sortie de devises, non seulement aggrave le déséquilibre de notre commerce extérieur, mais surtout, est révélatrice de ce que les Camerounais, pourtant eux aussi confrontés  aux affres du chômage, contribuent, peut-être sans le savoir, à la création des emplois plutôt dans les pays d’où ce riz est importé, en leur servant de débouché. Le Cameroun, qui a officiellement affiché son ambition d’accéder au statut de pays émergent à l’horizon 2035, peut-il se permettre de poursuivre sur cette lancée ? La réponse est mille fois non, car sur le long et difficile chemin conduisant vers ce niveau de développement  économique, la modernisation de l’agriculture au sens large est un passage obligé pour le Cameroun. L’histoire des pays avancés enseigne à ce sujet que le développement de  l’agriculture a joué un rôle majeur dans la modification et l’amélioration des structurations des économies. Dans cette optique,  il faut absolument donner un coup de fouet à la  riziculture locale, compte tenu de la place importante de ce produit dans l’alimentation des populations. Une expérience vécue au Cameroun  montre que la tendance peut être rapidement inversée, si et seulement si une politique plus volontariste est mise en œuvre. N’a-t-on pas vu, il y a plusieurs années ici,  les importations de découpes de poulet congelé s’effondrer comme des châteaux de cartes, sous la forte pression de la société civile appuyée par une réglementation plus favorable et opportune prise par le gouvernement ? Ce qui a réussi contre les découpes de  poulet  congelé importé afin de soutenir les fermiers locaux peut aussi réussir contre les importations de  riz. Le plaidoyer pour le riz local s’appuie au moins sur un argument de taille, au-delà de l’aspect économique et financier. C’est un riz aux excellentes qualités gustatives, qu’il vienne des périmètres rizicoles de la Semry, de Ndop, de Tonga ou des autres localités productrices du pays. Il faut simplement lever les obstacles qui plombent la filière, au niveau de la production et de la transformation  qui doivent être accrues, de la mise en place de bons circuits de distribution, et du lancement des campagnes marketing innovantes pour susciter davantage  l’envie et soutenir les ventes sur le long terme.

Rousseau-Joël FOUTE

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