La Loi N° 94-01 du 20 janvier 1994 – portant régime des forêts, de la faune et de la pêche au Cameroun définit en son article 8 (1) le droit d’usage ou coutumier comme celui reconnu aux populations riveraines d’exploiter tous les produits forestiers, fauniques et halieutiques à l’exception des espèces protégées en vue d’une utilisation personnelle. Dans le domaine national et communautaire, l’exercice du droit d’usage est plus large et ne pose pas de problème majeur aux populations rurales. Cependant, dans les domaines forestiers permanents ou classés qui comprennent entre autres les aires protégées pour la faune et les réserves forestières, ces droits d’usages sont soumis à de fortes restrictions et constituent une source de frustration pour les populations riveraines. C’est par exemple le cas de la réserve de faune du Dja (RFD).
La RFD ou Réserve de Biosphère du Dja (RBD) appartient au domaine forestier permanent de l’Etat suivant le décret de classement n°2007/1029/PM du 09 Juillet 2007. Elle est une Unité Technique Opérationnelle (UTO) de Première Catégorie suivant la législation forestière camerounaise. Sur le plan international, elle cumule les statuts de Réserve de Biosphère (1981) et Site du Patrimoine Mondial (1987). Elle a subi un découpage territorial en quatre (4) antennes : l’antenne Nord (Somalomo), l’antenne Est (Lomié) l’antenne Ouest (Meyomessala) et l’antenne Sud (Djoum). Sa gestion actuelle reste sous l’encadrement de la loi de 1994.
Une étude faite auprès des 12 communautés autochtones à la RFD du côté antenne Est en 2019 fait état de ce que les droits d’usages ou coutumiers ont connu une forte restriction depuis ces dix dernières années. Ces restrictions interviennent à plusieurs niveaux :
- Au niveau des produits forestiers ; les restrictions consistent généralement à exclure certains produits très prisés et utilisés par les communautés autochtones des droits d’usage ou coutumier. La finalité de certains produits prélevés est également visée par les restrictions. En effet, certains produits ne doivent pas être commercialisés, ils doivent être réservés à la seule utilisation personnelle ou familiale. Pourtant, ces produits visés sont généralement au centre des activités socioéconomiques et culturelles de ces communautés.
- Au niveau des espèces fauniques ; les restrictions consistent à classés certaines espèces traditionnellement consommées par les communautés autochtones, à interdire certains matériaux de chasse utilisés de façon coutumière par les communautés locales depuis des dizaines de décennies, à interdire la commercialisation de certaines viandes de brousses.
Ces différentes restrictions constatées dans la gestion de la RFD créent un climat de tensions entre les conservateurs et les communautés autochtones. La déclaration du notaire Bantu du village Djenou explique la source des tensions : « quand c’était les Blancs ici, on pouvait prélever beaucoup de choses dans la forêt, maintenant que ce sont nos frères, on nous interdit presque tout. Même ce qu’on doit manger. […] Aujourd’hui telle espèce faunique est autorisée, demain elle est interdite. […], on ne sait même plus ce qu’on doit prélever dans la forêt, ce qu’on doit chasser. Ils (parlant des conservateurs) savent que nos principales activités sont la chasse, la cueillette et la pêche, mais ils interdissent cela. […], nous sommes frustrés par leur comportement ». Le chef de village de Pouempoum I quant à lui s’oppose catégoriquement aux projets de conservations parce que « ces projets ne prennent pas en compte les enjeux locaux ». Pour les Baka’a de Nomedjoh, Payo, Matisson, Pouempoum I et II, Zoulaboth Baka’a, la conservation est venue « nous priver de ce que nous connaissons faire, on nous interdit la chasse, on nous impose les matériaux que nous devons utiliser pour la chasse, on nous interdit la chasse de certaines espèces alors que d’autres viennent chasser ces espèces. C’est pourquoi nous sommes pauvres ».
Par Alain DJAWA WALIDJO, Stagiaire