Les communautés minières de la commune de Betare-Oya sont actuellement confrontées à une préoccupation existentielle inquiétante : les enfants en âge scolaire privilégient le travail dans les mines d’or au détriment de leur propre éducation. En 2012, de nombreux cas d’abandon scolaire ont été enregistrés, entre « 500 et 700 » selon l’inspecteur de l’éducation de base de Betare-Oya. Une situation qui, malheureusement, n’a connu aucune amélioration à ce jour.
L’initiative du gouvernement camerounais, matérialisée par une circulaire du ministère en charge des Mines signée le 1er septembre 2021, n’a pas inversé la tendance. S’adressant aux exploitants miniers, le ministre avait alors préconisé la sécurisation des sites et l’interdiction formelle de l’accès des enfants à ces derniers. Cependant, il est regrettable de constater que l’enquête menée par Earth Cameroon en 2023 dans cette même localité révèle que les sites miniers sont encore envahis par des enfants, qui se retrouvent là où ils ne devraient pas être, surtout pendant les périodes de classe.
Les directives du ministre n’ont pas été respectées : les sites ne sont toujours pas sécurisés et l’accès reste largement ouvert aux enfants. Selon un employé d’une entreprise chinoise exploitant les mines d’or dans la zone : « L’homme chinois, ce sont ses intérêts qui priment, il travaille jusque tard dans la nuit, vous êtes maltraités… Son rôle est de prendre l’or et de partir, il voit les enfants dans les trous, mais il s’en moque ». C’est également le constat d’un résident du quartier Mali, qui affirme : « Quand on permet aux gens de chercher de l’or, même un enfant de 10 ans va travailler, car il pense qu’il peut déjà gagner sa vie sur le chantier minier ».
Cependant, au-delà de ce constat qui met en lumière l’irresponsabilité sociale des entreprises minières, il convient de noter que l’abandon scolaire est également une question de choix, de préférence ou de priorité rationnelle motivée par l’ensemble des communautés villageoises. Selon un expert de l’ONG FODER, interviewé le 26 août 2024, « l’activité minière constitue la principale activité économique de la zone depuis 1960 ». L’économie locale s’est progressivement construite autour de cette activité à haut risque pour les enfants en âge scolaire, faisant émerger des « modèles sociaux » éloignés des « infrastructures scolaires » et constituant aujourd’hui de véritables références pour ces communautés. Ces individus, sans avoir mis les pieds à l’école, ont acquis par le travail de l’or des fortunes les mettant à l’abri des maux dont souffrent leurs communautés.
Interrogé sur la déperdition scolaire dans l’établissement dont il a la charge, le proviseur du lycée technique de Betare-Oya répond que « ces enfants sont attirés par l’obtention facile de l’argent provenant de l’or ». Les efforts de sensibilisation pour le retour à l’école sont entravés par certains parents convaincus qu’il faut saisir immédiatement l’opportunité de l’or, en s’impliquant avec leurs enfants dans cette quête. Un parent artisan minier déclare à ce propos : « Si l’on va à l’école pour obtenir un emploi et gagner de l’argent plus tard, pourquoi ne pas saisir cette opportunité immédiate de gagner de l’argent qui se présente aujourd’hui ? ». À cette déclaration, une mère également impliquée dans cette activité, ne regrettant pas de ne pas savoir lire ou écrire, renchérit en ces termes : « L’or nous apporte suffisamment d’argent, nos parents nous ont élevés avec l’argent de l’or ». Le travail de l’or est donc devenu pour ces communautés un héritage communautaire auquel il faut initier les enfants dès leur plus jeune âge.
Face à cette situation endémique, les solutions nécessitent une approche intégrée et la collaboration de divers acteurs, y compris le gouvernement, les communautés locales, les entreprises et les organisations internationales. Il est urgent de créer un environnement où parents et enfants comprennent la nécessité de l’école. Pour ce faire, il convient de mettre en œuvre une synergie d’actions comprenant : le renforcement de la réglementation et de la surveillance, la sensibilisation et l’éducation, la mise en place d’alternatives économiques, l’amélioration des infrastructures scolaires, ainsi que la mise en œuvre de programmes de réinsertion scolaire, entre autres.
Par Alain DJAWA WALIDJO et Myriam MEMPOUELA NNEMTE