Les femmes des zones rurales vivent de la consommation et de la vente des produits forestiers non ligneux tels que le ndo’o encore appelé mangue sauvage, l’huile de moabi, le njansang. Mais elles n’en tirent que peu de profit. Pourtant, ces produits procurent beaucoup de profit. La mangue sauvage est utilisée pour fabriquer le savon. Le njansang est transformé en huile pour la consommation. Il est également utilisé pour soigner certaines douleurs musculaires. L’ebaye est exporté au Nigéria où il sert d’ingrédient dans les sauces. Il est aussi utilisé pour la fabrication d’huile pour les soins de cheveux. L’okok est utilisé pour la fabrication du vin.
Lorsque les femmes vendent les produits forestiers non ligneux qu’elles collectent en forêt, leur marge bénéficiaire est très faible par rapport à celles des commerçants grossistes qui vendent dans les pays voisins tels que le Nigéria, le Gabon ou la Guinée Equatoriale. Selon une étude menée par la SNV en 2010, lorsqu’une femme Baka gagne 500FCFA en vendant un seau de 5 litres de mangues sauvages collectés en forêt dans des distances très éloignées qu’elles parcourent à pieds, un commerçant grossiste nigérian gagnera pour le même seau entre 5000 à 6000 FCFA.
Cette injustice est due à la méconnaissance par les femmes rurales des prix de ces produits forestiers non ligneux sur les marchés urbains au Cameroun et dans les pays voisins. Mais le plus grand problème que rencontrent les femmes rurales est dû aux textes juridiques qui ne facilitent pas la commercialisation des produits forestiers non ligneux par les femmes. Pour vendre les produits forestiers non ligneux au Cameroun, il faut disposer d’un agrément à l’exploitation forestière et d’un permis spécial d’exploitation des produits forestiers non ligneux. La procédure d’obtention de ces documents légaux est longue et très coûteuse pour les groupements de femmes. Ce dossier est composé de l’expédition du statut de la société, des numéros statistiques et du registre de commerce, de l’attestation de versement des cotisations dues à la CNPS. Ce qui exclut de fait les GICs et les Associations féminines.
Un groupement de femmes à L’Est Cameroun en a fait l’amère expérience. L’administration forestière lui a fait comprendre qu’il fallait qu’elles mutent leur GICs en SARL. Elles se sont pliées à cette exigence coûteuse. Mais ce n’était que le début du calvaire. Ensuite le dossier monté a été examiné par une commission interministérielle. La commission interministérielle a donné un avis favorable et transmis le dossier dans les services du premier ministre qui est seul habilité à délivrer l’agrément. Au final, les services du Premier Ministre ont refusé de délivrer l’agrément sollicité à ce groupement de femmes au motif que leur attestation de capacité financière était trop insuffisante. Elles avaient ouvert un compte dans un établissement micro-crédit. Les services du Premier Ministre ont refusé d’octroyer l’agrément au motif qu’elles auraient du ouvrir un compte dans une banque de première catégorie telle que La BICEC ou la SGBC. L’administration a refusé de comprendre que les structures financières accessibles aux groupements de femmes rurales sont les établissements de microfinance.
Ce groupement de femmes a du débourser entre 2, 5 et 3 millions de FCFA pour l’obtention de l’agrément à l’exploitation forestière et ne l’a pas finalement obtenu. Du dépôt du dossier à la réponse finale des autorités compétentes, c’est-à-dire le rejet de leur dossier, il s’est écoulé 10 mois.
Ces blocages dus à un cadre juridique inadapté obligent les femmes rurales à subir le diktat des commerçants grossistes qui vendent dans les pays voisins. La révision de la Loi forestière en cours pourrait constituer une solution. L’avant-projet de Loi forestière autorise les femmes rurales à vendre leurs produits forestiers non ligneux dans le cadre du droit d’usage sans aucune formalité administrative, pourvu que la vente s’effectue au niveau du village. Les procédures ont été allégées pour les groupes de femmes qui veulent vendre les produits forestiers non ligneux dans les grandes villes et dans les pays voisins. Malheureusement, depuis 2012 où cet avant-projet de loi a été déposé par le ministère des forêts dans les services du premier ministre, il semble classé dans un tiroir. Entre temps, les femmes continuent de souffrir et de subir le diktat des commerçants grossistes qui vendent dans les pays voisins.