Le projet de Loi de finances en circulation contient une disposition curieuse et dangereuse. Il dispose que le quart de la quote part dévolue à la commune du lieu de localisation, soit 27 % est consacrée aux projets de développement des communautés riveraines. Ce qui revient à 6,75% pour les projets de développement. Le Gouvernement veut ainsi réduire les redevances forestières annuelles de 10 % à 6, 75 %.
Il faut rappeler que jusqu’en 2014, la redevance forestière annuelle était répartie ainsi qu’il suit : 50 % pour l’Etat, 20 % pour le FEICOM, 20 % pour la commune du lieu d’exploitation de la forêt, et 10 % pour les communautés riveraines.
La quote part attribuée aux communautés riveraines se justifie par deux arguments majeurs. D’abord, parce que les communautés supportent les impacts négatifs liés à l’exploitation de la forêt. Il est donc normal qu’elles soient associées aux avantages qui découlent de l’exploitation des forêts. Le second argument est relatif au rôle que les communautés devraient jouer dans la dénonciation des infractions forestières. Comment peut-on espérer que les populations dénoncent les exploitants illégaux si elles ne tirent aucun avantage de l’exploitation des forêts ? C’est la raison pour laquelle, les textes internationaux relatifs à l’environnement depuis la déclaration de Rio en passant par la convention sur la diversité biologique soulignent l’importance de reconnaitre les populations, à côté des communes et de l’Etat comme acteur substantiel de la gestion forestière.
Mais la Loi des finances 2015 a innové en excluant les communautés riveraines de la liste des acteurs bénéficiant de la redevance forestière annuelle. Au niveau du ministère des finances, on dit que les communautés sont partie intégrante des communes et n’ont pas besoin d’être explicitement mentionnées. Cet argument ne se justifie pas puisque la référence explicite avait pour but de garantir que les maires réaliseront des projets au profit des communautés riveraines. C’est dans la circulaire du directeur des impôts qu’on comprendra les raisons cachées de cette suppression. Les agents des impôts s’octroient 5% de la redevance forestière annuelle et choisissent de les prélever sur la part des communautés. Le 31 décembre 2014, le Directeur général des impôts dans la Circulaire N° 004/MINFI/DGI du 26 janvier 2015 précisant les modalités d’application des dispositions fiscales de la Loi des finances 2015 fixe la répartition de la RFA des communes ainsi qu’il suit : 22,5% pour les communes ; 22,5% pour le FEICOM et 5 % pour l’administration fiscale. Au travers de cette circulaire, les populations riveraines dont définitivement exclues du bénéfice de la redevance forestière annuelle.
En 2015, les acteurs de la société civile, les députés et les chefs traditionnels dénoncent ce « hold-up » du ministère des finances. Le premier Ministre instruit d’abord le ministre des finances de surseoir à l’application des dispositions relatives à la RFA de cette circulaire. Mais à la surprise générale, dans la loi des finances 2016, le principe de l’affection de la quote part dévolue aux communautés riveraines n’est pas réintroduit. Pire, le texte officialise le prélèvement des 5 % au profit des agents des impôts.
Des conséquences désastreuses pour les populations
Cette suppression de la RFA des communautés a des conséquences désastreuses dans les régions forestières. Les maîtres de parents payés à l’aide de ces fonds accumulent des arriérés d’impayés et certains ont abandonné la craie. Les projets d’électrification rurale comme à NGWEI dans le littoral sont en arrêt. Les conflits sociaux se multiplient et deviennent une menace à la paix sociale.
La supercherie du Ministère des finances
Il faut relever que le Ministère des Finances soutient que la nouvelle répartition des bénéfices issus de la redevance forestière annuelle s’inspire des dispositions du décret N° 2011/1731/PM du 18 juillet 2011 précité.
Mais, force est de constater que la clé de répartition fixée par le décret de 2011 maintient les 10 % de la RFA destinée aux communautés riveraines. En effet, l’article 8 alinéa 1 de ce texte dispose :« Le produit de la redevance forestière annuelle est reparti ainsi qu’il suit : L’Etat : 50% ; Communautés villageoise riveraines : 10% ; Commune de localisation du titre d’exploitation forestière : 45% des 40% restant, soit 18% » ; Centralisation FEICOM : 45% des 40%, soit 18% ; Appui au recouvrement : 10% des 40%, soit 4%.
Ce décret est conforme avec la loi n° 2009/019 du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale qui en sont article 52 dispose que : ‘’ une quote-part (40%) de la redevance forestière annuelle est affectée aux communes conformément aux dispositions du Code général des impôts’’. Les lois de finances 2015, 2016 et le projet de loi des finances 2017 sont contradictoires avec la loi n° 2009/019 non encore abrogée. Elles sont également incohérentes d’une part avec l’article 8 du décret n° 2011/1731/PM du 18 juillet 2011 fixant les modalités de centralisation, de répartition et de reversement du produit des impôts communaux soumis à péréquation ainsi que l’arrêté conjoint n°0076 MINFI/MINATD/MINFOF du 26 juin 2012 d’autre part.
Une solution concrète et réaliste est possible :
Pour résoudre toutes les difficultés liées à la suppression des 10 % de la RFA des communautés riveraines, la solution la plus réaliste consiste à appliquer les dispositions du décret du 18 juillet 2011 fixant les modalités de centralisation, de répartition et de reversement du produit des impôts communaux soumis à péréquation, en précisant que les fonds destinés aux communautés riveraines sont gérés par les communes. Ces fonds ne peuvent être confondus à la part de RFA destinée aux communes et pris en compte dans l’application du pourcentage destiné à l’appui au recouvrement.
En s’inspirant des dispositions de l’article 239 du code général des impôts et en conformité avec le décret de 2011, l’article 243 de la loi de finances pourrait être réécrit comme suit :
« …Le produit de la redevance forestière annuelle est réparti de la manière suivante :
- Etat : 50%
- Communes : 40%, dont :
Appui au recouvrement : 10 % des 40 %, soit 4 % ;
Centralisation au FEICOM : 45% des 40%, soit 18% ;
Communes de localisation du titre d’exploitation forestière : 45% des 40%, soit 18%
- Communautés riveraines : 10 % gérés par la commune du lieu de localisation ».
Les députés sont devant une responsabilité historique
Alors que certains députés se plaignent des menaces qu’ils ont subi pour avoir défendu la cause des communautés forestière lors de la session budgétaire de 2015, oseront-ils dénoncer cette injustice orchestrée par le Ministère des finances au profit des agents des impôts. Quel compte-rendu feront-ils aux communautés s’ils n’ont pas l’audace de réclamer que les 10 % de la RFA des communautés soient réintroduits dans la Loi des finances 2017. Nul doute que des députés qui ont démontré leur défense pour la cause des plus pauvres tels que les honorables OYONO MARTIN, ZAM JEAN JACQUES OU GBAYANGA ROBERT. On connait aussi la verve du sénateur MATTA sur les questions relatives aux communautés riveraines. Les populations du Centre, du Sud, de l’est, du Littoral et du Sud-Ouest et le grand public ont les yeux fixés sur l’hémycicle pour confirmer ou infirmer que les parlementaires représentent bien les intérêts du peuple.
Le Rural. net