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JOURNALISME D’INVESTIGATION : SACRIFIÉE A L’AUTEL DE LA TRANSPARENCE

JournalisLine Renée Batongue, la journaliste de la Crtv, a été embastillée à Bertoua pour avoir voulu faire la lumière sur la gestion des ressources naturelles de Betare Oya.

C’est au prix de sa liberté d’expression que Line Renée Batongue servira ces jours-ci aux auditeurs et téléspectateurs de la Cameroon radio télévision (Crtv) les enquêtes menées dans la localité de Bétaré Oya le weekend dernier. La journaliste spécialiste de l’environnement a séjournée 24h dans les locaux de la compagnie de gendarmerie de Bertoua, sur instructions du préfet Alienou Awoufack du Lom et Djerem.

«Mon travail dans l’arrondissement de Betare Oya consistait simplement, pour l’exploitation artisanale de l’or, relever l’impact environnemental et social. Pour l’exploitation forestière je devais montrer l’impact de l’exploitation forestière sur la vie des populations, quel que soit le type d’exploitation… Un travail qui partait de l’exemple type du village « tête d’éléphant” qui est devenu un modèle en matière de retombées de l’exploitation forestière dans l’amélioration des conditions de vie des populations», a expliqué l’enquêteuse dans la mise au point qu’elle a faite, une fois la liberté retrouvée. Le préfet n’y a pas cru et n’a pas laissé la journaliste aller au bout de sa collecte.

«J’avais déjà engagé la collecte de mes informations, j’avais fait beaucoup d’interview ; et subitement j’ai reçu un coup de fil du chef de poste de ‘ gendarmerie qui m’informe que le commandant de compagnie de Bertoua demande qu’on nous ramène manu militari…», raconte-t-elle. «Ils ont même voulu nous conduire sous escorte, je leur ai rappelé que je ne suis pas une bandite, je ne suis pas une fugitive», rapporte-t-elle. Sa dignité sera respectée. Mais la journaliste passera la nuit au cachot.

Dans un contexte trouble. La concernée ne souhaite pas s’étaler davantage que sa mise au point. Mais les langues se délient facilement dans l’entourage et même à l’Est où l’on dénonce le «mauvais rôle» des autorités administratives dans la spoliation des ressources naturelles de la région. «Le préfet a déclaré qu’elle est arrêtée parce que le chef du canton Mbitom a porté plainte contre elle pour incitation des populations à la révolte», rapporte une source ayant vécu les faits.

«Fort heureusement, le lendemain, pendant l’audition à • la gendarmerie, le fils du chef l’appelle pour nier l’implication de son père dans cette situation. Et d’ailleurs il passera son père qui lui-même dira n’y être pour rien», souligne une source à la gendarmerie.

Le préfet dans le piège de la suspicion

Le préfet Awoufack est ainsi mis à nu dans un procès kafkaïen qu’il avait déjà organisé contre la journaliste. «C’est bien dommage que des adultes et des personnes pour qui j’ai d’ailleurs beaucoup d’estime se prêtent à un jeu qui ne nous honore pas», a réagi le préfet dans un espace virtuel dédié’aux autorités et cadres du Lom et Djerem. «Sans rentrer dans la logique qui les anime, encore moins dans une polémique qui ne nous sert à rien, je voudrais simplement inviter les uns et les autres à faire preuve de circonspection dans leur prise de position », a-t-il lancé à l’endroit des élites et autres personnalités du département qu’il dirige.

Se défendant d’agir dans le sens de la recherche du bien-être des populations dont nous avons la charge »en même temps que nous préservons les intérêt de l’Etat». En invitant le uns et les autres « à nous rejoindre dans ce combat que nous menons au quotidien contre la spoliation des ressources naturelles dans le développement du Lom et Djerem», le patron du département lance un défi : «quand vous direz qui finance ces multiples descentes de journalistes dans cette localité à l’insu de leurs hiérarchies, vous comprendrez mieux quels sont les enjeux». Mais déjà, «j’ai l’intime conviction que a vérité finira toujours par triompher».

Ainsi, le préfet du Lom et Djerem qui s’illustre comme un tortionnaire de journalistes, pour avoir déjà sévi contre d’autres dont Arnaud Nguefack de la chaine de télévision Canal 2 international, redoute une main noire qui commanderait la quête de vérité des journalistes sur la gestion des ressources naturelles de son unité administrative. Comme enjeu ici, la transformation de la forêt communautaire du village Tête d’éléphant en Unité forestière d’aménagement (Ufa).

Une mutation qui retire l’exploitation de cette forêt à la communauté au profit d’exploitants forestiers industriels. Même s’il est prévu dans la règlementation en la matière qu’une quote-part des fruits de cette exploitation revienne aux populations riveraines et aux communes locales, il reste que sur le terrain, les exploitants forestiers n’ont pas toujours fait preuve de transparence.

En l’embastillant, le préfet du Lom et Djerem a essayé de violer la liberté de la journaliste, et même le droit du peuple à l’information, garantis par la Constitution, dans son préambule. Mais c’était sans compter avec la hargne de Line Renée Batongue à aller au bout de son ambition. A la Crtv, on annonce pour bientôt la diffusion des informations que le patron du Lom et Djerem ne souhaitait pas qu’elles soient mises à la disposition du public.

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