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REDEVANCES FORESTIÈRES ANNUELLES : COMMENT LE MINISTÈRE DES FINANCES A RÉUSSI A DETOURNER LA QUOTE PART DES COMMUNAUTÉS RIVERAINES

alamine-ousmane-mey-2_ct_ns_600Rural.info, 23 février 2016

Tout commence en 2009. Le Ministère des Finances réussit à faire introduire dans la loi du 15 décembre 2009 portant fiscalité locale, en son article 55 que : « En contrepartie des frais d’assiette et de recouvrement des recettes fiscales effectuées au profit des collectivités territoriales et des organismes publics, l’Administration fiscale retient 10 % sur les recettes perçues pour le compte de ces collectivités territoriales et organismes ».

En 2011, le Ministère des Finances fait signer au Premier Ministre un décret d’application de la Loi de 2009. Il s’agit du décret du 18 juillet 2011 Fixant les modalités de centralisation, de répartition et de reversement du produit des impôts communaux soumis à péréquation. Il introduit une nouvelle donne dans la répartition de la redevance forestière annuelle en son article 8 : L’Etat : 50% ;  Communautés villageoise riveraines : 10% ; Appui au recouvrement : 10% des 40%, soit 4% ; Centralisation FEICOM : 45% des 40%, soit 18% ; Commune de localisation du titre d’exploitation forestière : 45% des 40% restant, soit 18%.

A la lecture des dispositions de ce décret, les 10 de la RFA dus aux communautés riveraines sont préservés. L’administration des impôts bénéficie de 4% de la RFA prélevés sur la quote part des commune.

En 2012, le Ministère des finances, le ministère des forêts et de la faune et le ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation prennent un arrêté conjoint le 26 juin 2012 qui fixe les modalités de planification, d’emploi et de suivi de la gestion des revenus provenant de l’exploitation des ressources forestières et fauniques, destinés aux communes et aux communautés villageoises riveraines. Cet arrêté signé par le Ministre des finances fixe la répartition suivante : 50 % pour l’Etat ; 20% pour la commune de localisation de l’exploitation forestière ; 20 % pour le FEICOM et 10 % pour les communautés riveraines. Aucune mention n’est faite de la part due à l’administration des impôts au titre de l’appui au recouvrement.

En 2014, les fonctionnaires des impôts réfléchissent au moyen de retenir les 10 % au titre de frais d’assiette et de recouvrement sur la quote part due aux communautés riveraines. La solution est vite trouvée : affecter la part des communautés dans la quote part des communes. C’est pourquoi dans la loi des finances 2015, les communautés riveraines disparaissent du bénéfice de la RFA. La quote part des communes est désormais de 50 %. La circulaire du directeur des impôts pour l’exécution de la loi des finances 2015 viendra préciser que les fonctionnaires des impôts touchent 5 % de la RFA au titre de l’appui au recouvrement.

Pour justifier la mesure, ils invoquent deux arguments fallacieux. Le premier est que les communautés ont bénéficié de plus de 9 milliards de FCFA, mais les impacts sociaux sont très peu visibles sur le terrain. Ce mensonge est vite démenti par la réalité puisque les communautés n’ont jamais géré l’argent de la RFA. La commune de localisation a toujours reçu les financements au nom des communautés riveraines. Le rôle des comités riverains se limite à identifier les projets de développement et à suivre leur réalisation.

Le second argument est que les communautés riveraines ne peuvent pas bénéficier des financements parce qu’elles n’ont pas de statut juridique. Une fois encore, le prétexte est fallacieux. Tous les observateurs de la gestion forestière au Cameroun savent que toutes les communautés dans les zones forestières se sont constituées en association ou GIC pour pouvoir créer des forêts communautaires parce que la Loi forestière de 1994 et ses textes d’application l’exigeaient. Il aurait fallu que le MINFI demande aux communautés riveraines de se constituer en entité juridique pour qu’en trois mois, le problème ne se pose plus.

Cette filouterie permet aux agents des impôts de toucher 5% de la RFA et non plus seulement 4 % tel que prévu par le décret de 2011. La supercherie est vite découverte. Les communautés, les chefs traditionnels, les maires, les parlementaires et les organisations internationales se mobilisent et s’insurgent contre cette mesure. Le Premier Ministre est saisi. Il demande au Ministre des finances de surseoir à l’application des dispositions relatives à la RFA contenues dans la loi des finances 2015. Les communautés jubilent.

Mais elles déchanteront après l’adoption de la Loi des finances 2016. Celle-ci confirme la suppression de la quote part due aux communautés riveraines et consacre les 5 % dus aux fonctionnaires des impôts jadis mentionnés dans la circulaire du directeur des impôts. Plus grave, les fonctionnaires des impôts ont réussi le coup de force de porter les dispositions contestées de la circulaire des impôts pour les introduire dans la loi des finances 2016. Par cet artifice juridique, ils espèrent qu’on ne les critiquera plus au sujet de l’illégalité des 5% de la RFA affectés aux agents des impôts.

Quelle sera la suite de ce film à suspense digne de la série 24 heures chrono ? Just wait and see.

Boaz Jakin Essola

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